AT MANGELLAT
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Je viens de voir Aït-Menguellet, fatigué, on dirait “usé”, s’exprimer en français, l’autre langue prohibée par l’Etat algérien, face aux caméras algériennes, expliquant combien il était heureux d’avoir pu chanter à Oran face à un public “unis dans sa diversité.

J’ignore s’il est informé des dispositifs sécuritaires déployés, non pas pour sa sécurité et celle des citoyens, mais pour faire barrage au drapeau amazigh, le grand diviseur de cette nation, si “unie dans sa diversité”. Je ne sais pas non plus s’il sait que trois jeunes ont brandi le drapeau amazigh dans son concert et qu’ils ont été arrêtés. Mais peu importe qu’il le sache ou non; et mieux vaut d’ailleurs qu’il ne le sache pas, au risque de nous faire davantage de mal, à nous et à lui.
Or, c’est ce que nous devons absolument éviter : nous faire davantage de mal, à nous-même et aux nôtres, et plus encore quand ce sont nos icônes qui ont porté très haut notre culture.
Cette dernière prestation médiatique d’Ait-Menguellet m’a tout de suite fait penser à notre grand Idir, obligé de “faire bon cœur contre mauvaise fortune”, pour fouler une dernière fois sa terre natale et y chanter, face à un public dont il a été privé des décennies durant, les berceuses qu’il a puisé de ce territoire …
Certes, moi aussi, ça me fait mal au cœur de voir à quoi nous sommes réduits; mais ce n’est pas à Aït-Menguellet ni à Idir que j’en veux. Ce sont deux icônes kabyles sur lesquelles je peux évidemment apporter une critique, pour X ou Y raison, mais sans jamais remettre en question leur immense talent, encore moins leur formidable apport à la culture populaire kabyle et universelle.
En revanche, je ne pardonne absolument rien à l’Etat algérien, ni encore moins à sa secte assimilationniste et morbide qu’est l’arabo-islamisme. C’est à cet État arabo-islamique que j’en veux par-dessus tout, c’est lui qui nous soumet à tous les crimes, à toutes les humiliations possibles et imaginaires. C’est lui l’ennemi qui nous mène une guerre sournoise et multidimensionnelle..
C’est donc contre l’Etat arabo-islamique algérien et EXCLUSIVEMENT contre lui que je dirige toute ma colère, toute ma combativité et toute mon énergie, certainement pas contre Aït-Menguellet :
D’abord, parce que c’est exactement ce qu’ils attendent de nous: qu’on lui tombe dessus, qu’on le malmène, qu’on le rabaisse, et surtout qu’on le fasse descendre nous-même du piédestal sur lequel on l’a mis. Ainsi, c’est nous-même qui détruisons nos symbole, et nous nous faisons, au passage, les ennemis les uns des autres ;
Ensuite parce que Ait-Menguellet ce n’est pas n’importe qui pour la Kabylie, et la Kabylie l’aime ” akken yevghu yilli”, et il le sait; il sait aussi qu’il n’y a que le peuple kabyle qui puisse saisir le sens profond de chacun de ses vers; et il sait parfaitement, comme nous le savons nous-même, que face à l’adversité, il ne trouvera jamais que le peuple kabyle pour être debout à ses côtés, comme il l’a expérimenté lors du tollé “national” en Algérie provoqué par son fameux “Nekk d Charlie”, en soutien aux journalistes assassinés de Charlie-Hebdo, dans l’un de ses concerts dans la diaspora kabyle, à l’étranger, bien sûr !
En Algérie, il n’aurait pas survécu à la “provocation” d’un tel affront. Seuls les kabyles l’ont soutenus et massivement, qu’ils soient laïcs, chrétiens ou musulmans, et ceci est un fait…alors, wihda watania ou pas, netta yezra, nekni nezra et Ait-Menguellat restera éternellement Ait-Menguellat, une icône de la poésie et de la chanson kabyle.
Yasmina Oubouzar