AFP
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Nous publions l’intégralité de droit de réponse à l’agence France-Presse produit par le collectif Action pour la Kabylie en la date de 10 novembre 2023, qui n’a pas été publié par la même agence.

Madame, Monsieur
Au titre de citoyens kabyles de la Diaspora en France, nous avons l’obligation et le devoir moral de vous interpeller sur une très grave affaire politico-judiciaire à laquelle votre agence a donné écho en publiant une dépêche qui reprend une information émanant directement de l’Agence officielle de l’Etat algérien (APS).

Une information gravement mensongère, reprise en boucle par l’ensemble des rédactions françaises, et mettant en jeu la vie de jeunes militants politiques.
Il nous semble important de préciser que la situation répressive qui prévaut en Algérie, les emprisonnements, les mises sous contrôle judiciaire et les interdictions de sortie du territoire empêchent concrètement tout journaliste de traiter correctement la moindre information, à plus forte raison dans une affaire aussi grave et sensible se déroulant, de surcroît, en Kabylie.

Conformément à l’article 133 de la loi sur la liberté de la presse (loi du 29 juillet 1881), nous vous adressons légitimement ce droit de réponse que nous vous prions de bien vouloir publier au regard du très grave préjudice que ces « informations » font peser sur la vie de jeunes militants politiques. Ces derniers sont en effet jugés et condamnés à mort pour un crime dans lequel il est matériellement prouvé qu’ils ne pouvaient en aucun cas y avoir participé. Pour autant, ces militants politiques sont condamnés en appel à la peine de mort, au mépris de la justice et de la réalité incontestable des faits.

Nous portons à votre connaissance qu’en dehors de la communication officielle de l’Etat algérien affirmant par « voie de presse », et confirmant par « voie de justice », la criminalisation des militants politiques kabyles, aucune déclaration de presse du collectif d’avocats n’a été rendue publique sur une affaire aussi grave que sensible.

Plus grave encore, des avocats de la défense sont eux-mêmes poursuivis par la justice en raison de la défense de certains clients. Nous vous précisons également que ce procès éminemment politique a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des avocats en charge des dossiers des militants. Comme il a fait l’objet de lourdes critiques de la part des organisations internationales de défense des droits humains.

Par conséquent, nous souhaitons par la présente apporter la nuance nécessaire au traitement d’une information aussi sensible que sujette à manipulations. Ladite information relevant exclusivement des autorités algériennes lourdement condamnées par les organisations de défense des droits humains, notamment pour entrave à la liberté de parole et d’action des citoyens, emprisonnement arbitraires des journalistes, dont Mohamed Mouloudj (Journal Liberté) et Ihasane El Qadhi (Radio M, Maghreb Emergent), ainsi que pour l’instrumentalisation massive de la justice à des fins répressives, y compris contre les avocats de la défense.

Concernant le procès dont il est ici question, nous citons à titre d’exemple, la déclaration d’Amnesty International qui dénonce dans son communiqué de presse du 9 janvier 2023 « Les condamnations à mort collectives marquées par des procès iniques et des allégations de torture en Algérie ».

La situation très préoccupante des droits humains ainsi que la situation politique extrêmement tendue en Algérie, encore plus particulièrement et davantage en Kabylie, ne nous permettent pas de laisser sans droit de réponse une information aussi capitale sur un sujet dont la complexité, à elle seule, incite à la prudence.

Pour rappel, il s’agit du « lynchage mortel » d’un jeune homme commis sur la place publique, en présence de la police, dans un fourgon de police et aux portes d’un commissariat de police ; le tout s’étant passé en Kabylie dont le contexte particulier est largement connu.

Aussi, la reprise, sans nuance, de la décision de justice établissant la peine de mort pour les « 38 assassins », met en jeu la vie de plusieurs dizaines de militants politiques alors même que leur innocence est matériellement prouvée. Voilà une affaire d’allure « dreyfusienne » à laquelle nous ne pouvons limiter l’information aux déclarations officielles de la justice algérienne, celle-ci confirmant, en appel, la condamnation à mort de parfaits innocents pour la seule raison qu’ils sont militants politiques, et alors même que leur absence sur les lieux du crime constitue un fait avéré.

« Il est absolument honteux que les autorités algériennes instrumentalisent le lynchage d’un homme pour poursuivre en justice leurs détracteurs et des membres du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). Cette répression obstinée est une violation grave des droits à la liberté d’expression et d’association, mais aussi du droit à la vie ».

Tels sont précisément les propos de Mme Amna Guellali, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International sur cette très grave affaire. Elle décrit clairement une situation qui s’avère à l’inverse de toutes les déclarations officielles des institutions judiciaires algériennes qui sanctionnent par des décisions, très gravement arbitraires, la condamnation à mort de militants politiques sur la base de dossiers vides ; Et cela selon toutes les déclarations de leurs avocats précédant le procès en appel ; avocats qui n’ont depuis, et à ce jour, fait aucune déclaration de presse à l’issue de l’affaire, ni aucun commentaire sur ce verdict en appel.

Nous nous permettons de mettre à votre disposition un certain nombre de liens relatifs aux droits humains en Algérie ainsi qu’au contexte historique et politique qui déterminent la politique de l’Etat algérien vis-à-vis de la Kabylie. Cette dernière pose un problème récurrent de revendication démocratique, culturelle et identitaire depuis 1962. C’est précisément ce contexte qui biaise toute information officielle de l’Etat algérien concernant la Kabylie ; un biais qui s’est très nettement accentué avec l’avènement des revendications autonomistes et indépendantistes kabyles, de plus en plus affirmées depuis le Printemps noir de Kabylie (2001-2005).

Cette dernière vague de diabolisation de la Kabylie, que les médias officiels algériens ont publiquement qualifiée de « terroriste », vise à délégitimer les courants politiques kabyles dits « séparatistes » ainsi que le combat démocratique, laïc et berbère porté par des générations de militants politiques, dont les « condamnés à mort » et nous-mêmes sont justement issus.

En vous remerciant par avance de votre bienveillante attention, nous vous prions, Madame, Monsieur, de bien vouloir agréer l’assurance de notre plus haute considération.

Pour le Collectif Action pour la Kabylie

Yasmina Oubouzar
Docteur en médecine vétérinaire (ENV), Maîtrise en langue, littérature et civilisation berbère (INALCO),

Hamid Annouz
Docteur en linguistique berbère (INALCO),

Samir Oukaci
Doctorant en histoire et sciences sociales (INALCO

Ci-joint quelques liens permettant de mieux appréhender le contexte kabyle et algérien :

1) https://www.amnestyalgerie.org/…/algerie-il-faut…/

2) https://www.amnesty.org/…/algeria-mass-death-sentences…/

3) https://www.congres-mondial-amazigh.org/…/alg%C3%A9rie…/

4) https://www.france24.com/…/20210901-tunisie-le-sort-du…

5) https://www.hrw.org/…/algerie-liberer-un-militant-ayant…

6) https://www.lemonde.fr/…/alger-revoit-ses-relations…