Oui à l’affranchissement de l’Algérie mais pas au détriment de la Kabylie.
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Tezwar Teqbaylit,          

Dans le sillage des bouleversements qui secouent les scènes politiques kabyle et algérienne, il nous est imposé le devoir de formuler une analyse lucide et réaliste. Loin de toute surenchère politique, la dernière agression subie par le Pays kabyle lors du tragique Printemps noir, crépuscule de nos illusions quant à la construction d’un destin commun, nous a édifiés sur notre isolement comme sur l’exigence qui nous est sans cesse renouvelée de sacrifier notre Kabylité et notre amazighité pour un idéal qui n’a jamais été le nôtre, à savoir l’édification d’une nation arabe et islamique.

Néanmoins, pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie, à l’instar du peuple Kabyle qui lutte depuis 1949 contre l’impérialisme idéologique, raciste et criminel, de l’arabo-islamisme qui nous a mené à la situation actuelle, les peuples d’Algérie rejettent à leur tour massivement les derniers simulacres des scrutin présidentiel et celui sur la constitution, destinés à perpétuer une gouvernance liberticide, maffieuse et corrompue, que tout le monde désigne aujourd’hui sous le nom de « système ». Mais ce système a une idéologie sous-jacente qui l’anime et qu’il faut nommer.

Il n’est désormais plus question pour nous de remettre aux calendres grecques, ni encore moins de sacrifier, notre langue, notre culture et notre identité millénaire  pour que vive une « unité nationale » aux couleurs du négationnisme arabo-islamique. De 1949 à 2001, notre histoire regorge de leçons que nous nous devons de retenir. Il n’y aura pas de chèque en blanc. Nous n’acceptons aucune unité sur le dos du peuple Kabyle, ni sur celui d’aucun autre peuple Amazigh. L’Afrique du nord n’est pas une province arabe. Elle doit se décoloniser une bonne fois pour toute. Il est fini le temps où, comme disait Matoub Lounès « mi i ɣ-ḥwaǧen ad ɣ-d-ssiwlen, mi fuken ad aɣ-ḍelqen. Tturaren yis-neɣ lebda ». Il est fini le temps où nous étions naïfs au point de nous sacrifier, au nom de l’unité algérienne, pour des causes œuvrant à  notre soumission et à notre disparition au profit d’un monde arabe qui n’a pas lieu d’être en terre Nord-africaine.

Depuis plus d’un demi-siècle, dans sa chaire comme dans son territoire, la Kabylie a subi les affres d’un système assimilationniste et prédateur qui n’a épargné ni ses enfants assassinés à tour de bras, ni ses forêts régulièrement réduite en cendres. Pour la Kabylie, entre 1857 et 2021, rien n’a changé. Comme disait le grand dramaturge kabyle Mohya ” teffeɣ fṛansa, tekecm-ed lezzayer”. Nous sommes passés sans transition de « l’Algérie française » à « l’Algérie arabe ». L’implantation en Kabylie, et qui plus est sur des terrains agricoles, de cités dortoirs spécifiquement réservés aux non kabyles relève d’une politique de dékabylisation évidente du territoire kabyle. S’ajoute à cela une répression féroce de toute velléité démocratique associée à une école rétrograde et fanatique destinée à dépersonnaliser la Kabylie, les Aurès, le Mzab, le Chenoua, le pays Touaregs afin de couper Amazighs de leur identité, de les arabiser et de les assimiler à une identité qui n’est pas la leur. 

Le système dictatorial arabo-islamique qui caractérise l’Etat algérien depuis 59 ans a certes instauré sa domination sur l’ensemble des peuples d’Algérie, notamment en s’accaparant les richesses des sous-sols et en érigeant le crime comme mode de gouvernance, mais il a aussi érigé la haine du kabyle, et plus largement des amazighs, comme socle de son « unité nationale ».

Il est grand temps pour nous  de « crever le ballon de baudruche » du racisme anti kabyle. Nous refusons de réitérer les erreurs de nos ainés. Nous refusons l’échec recommencé. Nous refusons de nous dissoudre dans l’arabo-islamisme au nom d’une unité nationale destinée à nous assimiler.

Quant à l’opposition politique dite démocratique, celle-là même qui s’est récemment réunie sous les prières du terroriste (dit repentis) des adeptes de Ali Djeddi, rappelons à toutes fins utiles, que c’est cette même opposition qui a cautionné Bouteflika avant d’attendre qu’il soit quasiment mort pour s’opposer à lui. C’est également elle qui cautionné l’amnistie des terroristes islamistes, et c’est encore elle qui tente encore maintenant de légitimer le retour politique des assassins de Tahar Djaout, de Nabila Djahnine, de Rachid Tigrizi, de Katia Bengana, et de plus de 200 000 victimes des islamistes.

Afin de faire face au moment historique que vivent la Kabylie et pour une fois toutes les régions d’Algérie, que nous soyons indépendantistes, autonomistes, fédéralistes, partisans de la régionalisation ou autres, les militants kabyles de tous bords doivent se concerter, discuter et réfléchir tous ensembles afin d’adopter une position commune et d’agir efficacement pour protéger les idéaux de liberté qui caractérisent la Kabylie, notamment sur les questions de la laïcité, de l’égalité homme femme, de l’école, de la culture et de l’identité et en faire une réalité après toutes ces décennies de souffrance et de sacrifice, et non pas une lutte qui, au final nous aura filé entre les doigts. En  d‘autres termes, pour reprendre la phrase prémonitoire de notre Rebelle assassiné « Uqbel ad aɣ-εezzin s ttwab, kkret a d-njab isufar i tdukkli-nneɣ » 

 

En conclusion, bien sûr que nous disons oui à l’affranchissement de l’Algérie, mais pas au détriment de la Kabylie.